Nathalie Jaudel La légende noire de Jacques Lacan

Navarin / Le Champ freudien, 327 p.

Gérard Albisson
Exerce la psychanalyse à Paris et collabore à la Revue des Deux Mondes.
Il co-dirige les éditions des crépuscules et est grand pratiquant de cyclisme.

La légende noire : presque tout le contenu du livre est dans le titre ! Nathalie Jaudel répond à Elisabeth Roudinesco. « Il était une fois… une famille de vinaigriers d’Orléans. Le Jacques Lacan d’Elisabeth Roudinesco s’ouvre sur la prétendue “légende noire” des vinaigriers de cette ville, confrérie à laquelle appartenait la famille Dessaux dont la mère de Jacques Lacan était une descendante – légende selon laquelle leur vinaigre était confectionné à l’aide… d’excréments humains. » C’est bien noir, en effet, de produire autant de pages, à partir d’un autre ouvrage, sans être plus particulièrement avancé sur le psychanalyste français le plus créatif. Noir, encore et toujours avec ce livre, car son auteur aurait pu être convaincant s’il n’y avait pas cette fixation de relever rigoureusement et presque systématiquement tous les énoncés de Roudinesco signalés comme « manque ». À trop vouloir suivre une méthode pour en dénoncer une autre, Nathalie Jaudel rate l’occasion de nous donner à lire un portrait en couleur. Rien n’y fait, l’histoire de la psychanalyse en France – et plus particulièrement si on propose une « lecture » de la vie de Lacan -, est ainsi faite. On ne peut résister aux amalgames, aux interprétations, aux caricatures, quel que soit le « parti » que l’on prend. L’auteur a bien comme boussole la remarque de Roland Barthes qui appelait de ses vœux « un biographe qui soit à la fois “amical et désinvolte” » mais l’aiguille a quelques frottements. Elle s’est un peu bloquée sur le supposé « transfert négatif » de Roudinesco à Lacan. Chaque « manque » donne l’occasion à l’auteur de nous renvoyer citations à l’appui, les développements à partir du texte lacanien, tel ou tel concept qui aurait été malmené par celle-ci. Et là, c’est le trop-plein. Alors comme souvent, on se dirige vers sa bibliothèque et on prend le premier texte de Lacan venu… pour s’apercevoir une fois encore qu’il a été loin, trop loin dans son œuvre, et que toute entreprise biographique ne peut que rater à quiconque voudra aborder celle-ci avec la boussole plongée dans… du vinaigre !

Gérard Albisson

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