René Lew Les négations freudiennes

Lysimaque, 2017

Jeanne Lafont, Psychanalyste, Psychothérapeute

Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015

Il ne faut se laisser rebuter par l’aspect « pavé » du livre. Il est imprimé en double interligne. Beaucoup de schémas sont disposés largement sur la page, avec le souci supplémentaire de les présenter dans leur construction dynamique, au fur et à mesure du raisonnement, donc, plusieurs fois. Ce livre de 900 pages correspond à un livre habituel de 200pages.

Le souci pédagogique est constant. La structure est très apparente, le glossaire est fourni. Les thèmes habituels de la réflexion de René Lew sont exposés largement, dans leur fondation, et ne demandent pas de culture préalable.

Sur le fond, le livre est remarquable par ses commentaires extrêmement précis de l’œuvre de Freud avec un souci constant de revenir aux termes allemands (avec un glossaire à la fin, bien utile) : René Lew propose un balayage complet des cinq négations freudiennes, pensées dans leur modifications historiques, et toujours dans un souci de dynamisme, propre à toute sa réflexion. Tout est affaire de scansions et de mise en jeu du temps. Il fait sans cesse état d’une sorte d’indifférenciation qu’il s’efforce de clarifier à chaque fois, entre déni et démenti, entre rejet et refoulement. … etc… En conséquence le terme de « forclusion », si fondamental dans l’œuvre de Lacan, est rendu à son mouvement, c’est-à-dire à son mode opératoire, à sa fonction, et perd ce caractère figé qu’il a aujourd’hui dans tant de textes lacaniens (destin assez courant des concepts qui deviennent pathognomiques). Et chaque fois, des exemples cliniques de nos expériences quotidiennes sont analysés et décortiqués. Lacan est présenté plutôt dans sa posture de commentateur de Freud, que comme théoricien autonome. Le lecteur devient alors comme le témoin de toute une histoire qui commence en 1895 avec « les sens opposés » et se continue jusqu’à nos jours.

Il s’agit d’une analyse, peut-être démonstrative dans son rapport avec la logique, de la manière dont «naît » le symbolique. Lacan avait démontré dans « la parenthèse des parenthèses » de la Lettre volée que, de codage en codage, une loi, d’une dimension nouvelle, un espace de détermination propre, se créait. René Lew déroule dans ce livre, de négations en négations, différenciées au niveau de la logique, l’apparition du symbolique.

Mais le plus agréable est le ton amical de l’auteur : des remarques sur l’histoire des élaborations, des commentaires à la première personne, des questions de collègues, une forme de modestie. Le texte n’est pas si compact que l’on pourrait croire. Il y a quelque chose d’une lenteur dans le déroulement de la réflexion, (si j’osais) presque d’une idéologie de la décélération, « ça prendra le temps que ça prendra, il n’y a pas de gain particulier en perspective … « si ça vous intéresse, laissez- vous emmener … J’ai souci de votre temps de réflexion ». Je retrouve dans l’utilisation constante des schémas, leur construction en plusieurs temps, leur développement, une forme de prise en compte de l’espace de la topologie. Et finalement c’est très facile à lire, même s’il reste quelques phrases complexes, conclusives en général, auxquelles le lecteur a été amené lentement.

Jeanne Lafont

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