Sous la direction de Nicolas Guérin avec Marie Lenormand et Sylvain Maubrun | Jacques Lacan et le cas de Pearl King

La possibilité d’une psychanalyse. Préface de Erik Porge.

érès éditions, 2023

Article rédigé par : Martine Glomeron-de Brauwer

Ce livre est la production d’un travail à 3 principalement orchestré par Nicolas Guérin qui en a eu l’initiative. Sylvain Maubrun a effectué la traduction du texte de Pearl King. Marie Lenormand a enquêté sur sa biographie et analysé l’évolution du cas à partir de son écriture. Un travail à trois mais pas sans un plus un qui a permis l’édition du livre, Erik Porge, directeur de collection de la série « Essaim » à Eres et qui en a écrit la préface.

Le texte traduit a pour titre Sur le besoin inconscient d’un patient d’avoir de « mauvais parents ». Une première version a été écrite en 1963, Pearl King réécrit ce texte en 1974 pour un hommage à Paula Heimann qui a contribué à sa formation notamment concernant le contre-transfert. C’est à partir de l’étude de ses propres « capacités affectives » et de la façon dont elle a utilisé « ses réponses émotionnelles » que Pearl King pense avoir mis à jour « un phénomène clinique particulièrement difficile », ce que Lacan remet en cause. Avec une grande acuité, elle décrit comment elle s’est sentie « figée », « désarmée », dans l’impossibilité de faire la moindre interprétation jusqu’au moment où elle propose une nouvelle position à son analysant. Ce témoignage nous est encore précieux aujourd’hui pour considérer les cures psychanalytiques des personnes de structure psychotique, loin des considérations psychopathologiques.

Cette cure nous enseigne aussi l’histoire de la psychanalyse britannique et de l’IPA grâce aux questionnements et aux recherches de Nicolas Guérin et Marie Lenormand.

Lacan a rencontré Pearl King au congrès de Londres en 1953 puis en 1963 lors du pré-congrès de Stockholm. Ces deux dates coïncident avec deux ruptures pour Lacan, la première avec la Société Psychanalytique de Paris, la deuxième avec l’Association psychanalytique internationale (IPA).

C’est à partir de ce constat que Nicolas Guérin analyse « ce que dit Lacan de Pearl King » après sa lecture de la Mise en question du psychanalyste écrit en 1963 selon Miller dans Lacan Redivivus publié en 2021, en parallèle du séminaire Les noms du père dont il présentera une seule séance en novembre 1963 compte tenu de sa rupture avec l’IPA. Lacan évoque également le cas de Pearl King ans la séance du 3 février 1965 du séminaire Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse.

En étudiant le transfert de l’analysant à l’analyste, de l’analyste à l’analysant, Pearl King, d’une période à l’autre de l’écriture du cas clinique, selon Lacan, transmis par Nicolas Guérin, fait entendre son transfert à l’Ecole anglaise de psychanalyse par une remise en question des « conceptions stéréotypées des notions de « bons » ou de « mauvais » parents ».

Par ailleurs, Nicolas Guérin nous transmet ce qu’il en est de l’intérêt psychanalytique de Lacan pour ce cas clinique dans un temps où il étudie les noms du père et surtout l’objet a dont il pointe les différences de repère dans les structures de névrose, perversion et psychose. Lacan se mettant en position de superviseur, montre son désaccord avec Pearl King à qui il reproche de ne pas considérer cette cure à partir des traits de structure de son analysant. La fixité de sa position, selon lui, serait due d’une part à une considération trop importante du traumatisme infantile et à ses savoirs présupposés soutenus par son école.

Pour évoquer le transfert avec un analysant psychotique et du fait de son rapport à l’objet à, Nicolas Guérin fait un lien avec la situation de supervision d’un psychanalyste qui vient parler de son transfert avec un analysant à un autre analyste. La conception qu’il développe semble novatrice.

Marie Lenormand reprend les étapes successives d’écriture de ce cas pour nous en faire entendre ce qu’elles nous enseignent du désir de l’analyste (son Geiger) pour la réorientation d’une cure. Pour ce faire elle nous présente d’abord le parcours professionnel de Pearl King et son engagement psychanalytique au sein de la British Psychoanalytical Society (BPAS) et de l’IPA.

Elle reprend ensuite l’élaboration du cas en cinq points pour en faire ressortir la trouvaille de King qui n’a pu en transmettre les enseignements. Elle met alors en perspective sa démarche avec celle de Heinz Kohut dans « the two analyses of Mr Z » pour en différencier leur position d’analyste, l’une dans sa dimension créatrice avec un analysant, l’autre dans sa position de théorisation de sa propre cure.

Cet article de Pearl King est publié en France pour la première fois. Par ailleurs, il s’agit du premier cas de psychose commenté par Lacan qui semble avoir être peu repris après lui. Il s’agit également de son dernier récit de cas clinique.

Martine Glomeron-de Brauwer

Psychanalyste, membre de l’école L’instance lacanienne, du mouvement Insistance, de Les Roses de Jeanne association du CHRO de Gien.

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