Marie Bonaparte, Sigmund Freud | Correspondance intégrale (1925-1939)

Édition Rémy Amouroux, Traduction (Allemand) : Olivier Mannoni.

Flammarion 2022

Article rédigé par : Marielle David

La Princesse Marie Bonaparte devint l’épouse de Georges, prince de Grèce, en 1907 et avec lequel elle eut deux enfants : Pierre en 1908 et Eugénie en 1910.

Ce parcours classique ne suffit pas à satisfaire son intelligence, sa curiosité pour elle-même et pour les autres. Ayant perdu sa mère dès son jeune âge, elle porta une grande affection à son père, souvent absent de leur maison de Saint Cloud pour ses recherches d’explorateur.

Elle-même partit à la quête de son inconscient et voulut faire la connaissance de Freud. Elle réussit à le rencontrer en 1925 à Vienne pour entreprendre une psychanalyse. Elle séduit Freud par sa liberté de parole, son désir ardent d’évolution de sa vie sexuelle. Pourtant il est navré de son accrochage à penser sa frigidité vaginale dont elle souffre, lui écrit-elle, en termes purement physiques qui l’amèneront à plusieurs opérations chirurgicales.

L’évolution de son transfert est étonnante et Freud y répond : de « Monsieur le professeur » à très vite Mon maître et mon ami, Mon Maitre aimé, Mon anubis chéri le 28 mai 1926 ; Il répond : ma chère Mimi. A partir de décembre 1927 Freud devient : Cher Père.

Lui qui écrivit qu’il était facile d’analyser sa propre fille lit les nombreux détails de sa vie sexuelle, de Marie princesse Bonaparte, depuis les descriptions des organes génitaux aux possibilités et refus orgastiques que son corps lui accorde.

Freud essaye de la faire passer à plus de sublimation mais la princesse ne comprend pas pourquoi ce qu’elle recherche, la petite mort de la jouissance féminine, dépend d’un voyage vers ce premier Autre que fut toute mère pour ses enfants. Elle qui perdit sa mère à un mois tombe sur une « Mère morte » qui lui barre l’accès à cet Autre lieu qui aspirerait une sexualité qui restée centrée sur le Père et sa dimension phallique n’est pas rien, mais qu’elle dévalorise.

Son souci de la santé de Freud et la lutte pour l’arracher très généreusement à la violence nazie permit à sa fille Anna qui l’accompagna à Londres d’échapper aux camps de la mort. Hélas il n’en fut pas de même pour ses sœurs restées en Europe.

Dans une lettre de janvier 1938, Marie Bonaparte nous rend sensible sa vive intelligence et son esprit cultivé.

« Kant avait dit que nous n’empruntons l’Espace et le Temps d’aucune expérience… Je suis vraisemblablement une empiriste mais tout ce qui se trouve à l’intérieur doit nécessairement avoir d’abord été pour moi à l’extérieur pour employer …les mots de Goethe. »[1] Et voilà que notre princesse annonce la topologie de Jacques Lacan dont elle sera pourtant une ennemie le temps venu, pensant peut-être défendre la supériorité absolue de son cher Maître, Sigmund Freud.

Marielle David, psychiatre, psychanalyste membre d’Espace analytique.


[1] Op. cité p.959

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