Caroline Gillier Psychanalyste inscrite à la SPF, prépare un livre sur la clinique avec BION |
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Une psychanalyse bien vivante, c’est ce dont témoigne Tamara Landau dans son livre sur C. Bollas, dans le Moment freudien, parle de chaque théorie comme d’une vision qui voit quelque chose que les autres théories ne voient pas, comme une forme de perception. Développer de nouvelles théories c’est améliorer notre capacité perceptuelle. Deux axes ont particulièrement retenu mon attention dans la poursuite de son exploration novatrice : Selon l’hypothèse soutenue à la lumière des avancées des connaissances scientifiques sur la vie intra-utérine, le fonctionnement neurophysiologique et l’organisation du vivant, des phénomènes et sensations de catastrophe accompagnent les changements. Ces changements pour le petit d’homme doivent être rendus supportables à l’aide de la psyché d’un autre et cela opère (ou pas) dès avant la naissance par le biais du psychisme parental. Si dans la psyché des générations précédentes ces changements n’ont pu s’intégrer symboliquement par une anticipation et la traversée d’angoisse et de dépression, le rude travail de naître à la vie psychique connaîtra bien des vicissitudes. Il en est ainsi pour ceux qui, comme les sujets qui ont des troubles du comportement alimentaire, se vivent « rescapés d’un désastre » dont ils ne peuvent éprouver le sens. Ce bouleversement se vit sur fond d’unité primaire, de formes et contenus primaires des temps premiers de l’inconscient pas encore refoulés où se forgent les racines du soi. Tamara Landau nous permet de mieux comprendre la régression ou le maintien d’un mode de fonctionnement primaire fusionnel, passionnel, prenant appui sur l’objet d’attachement originaire, la jouissance du vivant et sa première organisation dévorante, qui maintient dans un mode d’existence à l’intérieur des images du corps des parents. Freud en 1926 dans Inhibition, symptôme, angoisse nous dit que « la vie intra-utérine et la première enfance sont bien plus en continuité que ne nous le laisse croire l’impressionnante césure de la naissance ». Tamara Landau nous permet de penser que cette césure n’est pas la première et nous explique comment se maintient cette continuité. Si la mère n’a pu traverser psychiquement ces moments qui lui permettent de se représenter son enfant, celui ci gardera dans le réel toute la culpabilité de la séparation. Le travail du négatif, n’ayant pu s’amorcer, laissera, dans une culpabilité insupportable, un ressenti de violence alors très toxique (la douleur a un goût aigre) mais nécessaire pour se séparer. Si ces éprouvés ont été déniés, l’intégration qu’ils préfigurent ne pourra se faire, laissant place à toutes sortes de confusions qu’il s’agira de démêler. Cette plongée dans les sensorialités amène Tamara Landau à clarifier cliniquement et théoriquement la question de l’image perceptive « se sentir imprégné et touché par les signifiants sucrés et colorés de la mère », mémoire des schèmes fonctionnels, arrière-plan de ce qui sera plus tard une représentation, à partir d’une perception de soi séparée et dépendant d’un vide lié à la perte de l’image du corps fusionnel. Rien ne vient tempérer la jouissance, excès de jouissance qui, rapporté dans le champ transférentiel, amène ce vécu de honte, prémisse de la douleur d’avoir à faire une expérience émotionnelle de soi limitée et trouée, dans un lien qui aide à en penser les ressentis plutôt qu’à les garder dans une partie clivée, à l’écart, qui agit en secret. Tyranniques par terreur, silhouettes sans corps, corps sans limites, se sentant oubliés faute de pouvoir oublier ces vécus terrifiants, se sentant prisonniers d’un lien qui hante comme un fantôme, ces enfants pas tout à fait nés n’ont pas été suffisamment pensés, et agissent compulsivement ce qui n’a pu se symboliser, en restant fixés sur des réminiscences fœtales : se gaver et vomir pour se recréer une permanence, contrôler de peur de détruire. Où ça commence, quand ça commence, les sensations, les ressentis, les différenciations, l’impact de quelque chose ? Les premières mailles se tissent dans l’utérus. Ce livre est une mine de pistes précieuses pour nourrir notre réflexion et faire des ponts entre l’actuel du champ transferentiel et le passé traumatique. Caroline Gillier |
Tamara Landau « LES FUNAMBULES DE L’OUBLI » Origines de l’anorexie et de la boulimie
Editions Imago, 2012