Carlo Bonomi | L’effacement du traumatisme

Aux origines de la psychanalyse. Traduit de l'Italien par Patrick Faugeras et Philippe Réfabert.

Editeur Amsterdam, 2024

Article rédigé par : Philippe Réfabert

Le travail de Bonomi ouvre une voie qui rend compatible le récit des origines de la psychanalyse avec les derniers développements de la théorie psychanalytique, tous fondés sur les prémisses de Ferenczi.

À la lecture de L’effacement du traumatisme, j’ai tout de suite compris qu’il avait trouvé une clé, sinon la clé pour ouvrir l’auto-analyse. Une auto-analyse qui avait servi d’analyse exemplaire en même temps qu’elle était restée comme intouchable, interdite d’analyse.

L’angoisse de castration était le symbole d’un drame où Freud se trouvait impliqué avec sa première patiente.

Dès que cette perspective était ouverte, chaque découverte en amenait une autre. L’auteur avait relevé un détail sur lequel j’étais passé sans m’arrêter, et ce détail valait point d’Archimède. « J’ai obtenu une scène de circoncision » […] « une petite lèvre, encore aujourd’hui, plus courte ». Ce détail, épinglé dans la correspondance avec Fliess lié à la découverte d’Eddy de Klerk pour qui triméthylamine assonait avec britmila, valait baiser donné à la psychanalyse, plus précisément au récit de sa fondation. Une « castration » avait eu lieu et qui avait été l’objet d’une censure.

Point d’Archimède ou encore Dietrich, passe-partout, baiser à la Belle au bois dormant, autant de métaphores pour dire que tout prenait forme et faisait que les découvertes de Freud s’ajustaient à celles de Ferenczi. La séduction de l’enfant par l’adulte, le traumatisme sexuel, l’après-coup, la contrainte à répéter, et la lecture des rêves s’ajustaient à l’introjection, l’agonie psychique et le clivage. Tout devenait congruent, dès l’origine. Enfin, last but not least, le drame originaire se tramait autour d’une circoncision, un mot qui conduisait au judaïsme et surtout à l’antijudaïsme ambiant et à ses effets sur Freud.

J’ai tout de suite été reconnaissant à Bonomi de retrouver du plaisir à lire l’œuvre de Freud parce que son livre invite à faire de celle de Freud et de celle de Ferenczi une lecture croisée. Ce livre est novateur aussi parce que C. Bonomi choisit ce point de perspective.

Ferenczi, avec le choix qu’il fait dès 1909 de l’introjection, l’année qui suit sa rencontre avec Freud, s’oppose fondamentalement à Freud et à son clivage. Tout procède de là et, en ce sens, nous sommes des disciples de Ferenczi au sens où nous avons adopté l’intelligence de l’introjection, intelligence au sens étymologique de intelligere, qui est « choisir entre ». Ici le choix consiste entre métapsychologie pulsionnelle et introjection.

Ceci dit, c’est Freud, c’est l’enfant vivant en Freud, un enfant sonné mais qui ne dort que d’un œil, qui choisit aveuglément Ferenczi. C’est en cela que je suis freudien, comme beaucoup de psychanalystes le sont aujourd’hui.

De vrai, Freud, les yeux fermés, avait choisi Ferenczi pour en faire son Grand Vizir secret et son Paladin, celui qui dans le récit de la Table Ronde dissipe le sortilège.

Avec Freud et contre Freud, Ferenczi avait tracé la voie pour que le charme de l’auto analyse soit levé.

C. Bonomi reprend la quête de Ferenczi en historien et en analyste.

Exposé fait à l’occasion du prix Abraham Toroken mars 2025, modifié.

Philippe Réfabert

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