L’Invité : mardi 13 juin 2006

Daniel BONETTI pour son livre "L’arbre effeuillé et autres brindilles" Editions les carnets de psychanalyse. Présentation de Philippe Beucké

 

Daniel Bonetti psychanalyste à Charleroi, membre du « Questionnement psychanalytique » auteur de « L’arbre effeuillé et autres brindilles » paru chez notre ami Gérard Albisson (Edition : les carnets de psychanalyse).

D’entrée, j’extrais une des citations en exergue; celle de Georges-Arthur Goldschmidt « (in : Quand Freud voit la mer) » : Tout texte dérive ce dont il parle, il le déplace. Tout texte est traduction, il est donc inadéquation de base ». Citation qui a le mérite d’approcher ce que vous déployez dans votre livre. J’en retiens « inadéquation, déplacement »
Amusant hasard qui fait que dans le droit fil de ce qui occupe le Salon Oedipe « l’écriture de la psychanalyse », nous vous recevions ce soir, ce après « Œdipe à Venise » journées de travail consacrées à ce thème (Encore merci à Gérard Albisson pour son beau travail d’édition !), puis Erik Porge qui est venu très récemment « transmettre la psychanalyse ». Ce fil de l’écriture de la psychanalyse ne me rend pas pour autant la tâche aisée car comment le tirer afin de restituer l’essentiel de votre travail et vous donner la parole ?

Travail difficile car comment énoncer l’écriture d’un psychanalyste ? (et je vais dire en quoi je nomme votre texte : écriture d’un psychanalyste) écriture poétique. Alors écriture d’un analyste puisque vous ne faites qu’au fil de ces pages, au travers d’éclats cliniques (beaucoup de monde vous accompagne !) écrire le transfert, plus précisément la langue du transfert. Pensée en mouvement, qui pour reprendre une citation de notre ami Christian Fierens que nous avons reçu également cette année « pensée mouvante qui évite l’être stable ». La seule voie de transmission qui soit digne de ce que Freud puis Lacan nous ont laissé et incité à poursuivre !

Au moment d’écrire « écrire le transfert » j’ai failli écrire « dire le transfert » car ce qui a été immédiatement évident pour moi lecteur, c’est combien votre écriture me faisait vous entendre ! J’ai rarement perçu une telle proximité entre votre façon de dire (et là je fais référence à ce que je vous ai entendu souvent à l’inter – Associatif) et votre style d’écriture. Correspondance bien étonnante ! C’est comme si débarrassé, plus encombré par notre théorie, vous pouviez vous ouvrir à cette langue du transfert – langue qui se tisse là dans cet espace de séance. Métaphore à l’œuvre, tour à tour je- tu -il -cette langue, votre écriture -montre comme le rappelle Eva-Marie Golder dans la préface « combien l’analysant comme l’analyste sont pris dans les rets de l’Imaginaire, dont les élaborations entrecroisent l’histoire de l’un et l’histoire de l’autre »
Je vous dis « débarrassé de la théorie », cela ne veut point signifier qu’elle est absente ; mais comme il n’y a point de références bibliographiques psychanalytiques, aucun « gros mot conceptuel » n’émaille votre texte ! Simplement, mais est-ce si simple ?, c’est le fruit d’un grand travail qui vous a laissé une telle liberté et invention pour écrire, transmettre que l’analyse, la séance- espace de parole- c’est parler la vie sa vie de douleur et de joie. Se laisser surprendre par l’émerveillement d’une nouvelle écoute ! S’oser à penser en silence les choses les plus folles ! S’ingénier à se taire pour mieux dire. Prendre le temps (et je vous cite) « ce temps d’élaboration que rien ne peut prévoir, dont quiconque ignore jusqu’aux conditions qui président à son cheminement ». Supporter la fulgurance de la langue (je reprends là la belle expression d’une collègue : Sylvie Benzaquen lors du colloque du Cercle Freudien sur la langue). Accompagner l’autre à prendre langue, sa langue.

Votre écriture nous dit tout cela, et dans un entremêlement constant nous fait (ce malgré les différences typographiques) ne plus savoir qui pense, qui parle. Vous, l’analysant (e) les autres qui viennent furtivement traverser l’espace de séance (je pense au très beau texte de J.B. Pontalis » : la traversée des ombres ») ?

Entremêlement des voix, laissant bien entendre combien le travail de l’analyste est aussi travail d’auto-analyse. Ecriture du transfert, qui ne doit pas nous faire supposer, à la mesure de ce que je vous dis, que c’est la part belle à la captivation imaginaire te, à la parole magique. Non, dans un nouage discret vous nous faites sentir combien du réel, avec du réel vous faites (je fais allusion à un analyste que j’affectionne ; Olivier Grignon) du symbolique.

C’est alors dire combien ces éclats cliniques qui font votre livre décrivent le ratage, l’inadéquation, à rendre compte de notre pratique ; restitution d’un texte qui s’écrit séance après séance. Il y a du reste puisque du sens à tout prix vous vous dégagez de sa glu pour nous laisser la porte grande ouverte !
Avant de m’arrêter là, juste deux choses. D’abord un extrait de votre livre (je lis la page 91)
Puis un cadeau modeste réponse à ces histoires d’amour et de fureur que vous nous donnez :
Entre-aperçue Je sème de mes mains /Je plante avec mes reins/Muette est la pluie fine/Dans un sentier étroit/J’écris ma confidence/N’est pas minuit qui veut/ L’écho est mon voisin /La brume est ma suivante. (René Char in « La flûte et le billot » 1926)

Philippe Beucké

   

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