L’Invitée : mardi 12 juin 2007

Nicole CERF-HOFSTEIN pour son livre "IL ET ELLE, DUO DUEL" Editions du Seuil Présentation Serge Sabinus

 

 

 

 

Pour introduire mon propos, je vous propose une petite définition en forme de clin d’œil : Qu’est-ce que l’opéra ? C’est l’histoire d’un baryton qui veut coucher avec la soprano et d’un ténor qui cherche à l’en empêcher ! Voilà, on reconnaît là sans forcer le trait le fil de toute intrigue amoureuse et aussi, peut-être, la structure de tout couple … ou presque ! Ce clin d’œil pour souligner ceci qui introduit le propos du livre : le couple ce n’est pas seulement faire deux !

Le livre de Nicole Cerf Hofstein tourne donc autour du couple ; le titre écrit et dessine d’un trait vif, humoristique – « Il/elle, duo/duel » le duo des regards et le duel des paroles échangées (rappelons-nous Pouchkine tué pour défendre l’honneur de la belle Gontacharova !). Parler du couple est une entreprise à risque ; qui, en effet, ne fait pas ses choux gras avec cette psychologie ordinaire dans la presse féminine ou lors des populaires séances de télé-réalité ?! Mais il y a là, fermement tenu par l’auteur, le fil de la psychanalyse en tant que l’accent est mis sur cette évidence de l’inconscient : un couple n’a pas que deux dimensions, il y a toujours de l’autre.

Avant de rentrer dans ce vif, un mot sur le style : Une écriture déliée, rythmée, swinguante, nous donne un réel plaisir de lecture, denrée rare concernant la littérature analytique. Au centre du livre, quatre « cas cliniques ». Je mets des guillemets car il ne s’agit ni de rapports de cure ni de vignettes mais plutôt de récits qui se lisent comme des nouvelles. On suit ainsi sur plusieurs générations le fil des amours d’un homme pour une femme, d’une mère pour sa fille etc., fils toujours noués à l’insu des protagonistes par un silence, un deuil impossible, une violence terrifiante. D’un sujet à l’autre, d’un couple à l’autre, fils rouges qui revêtent la figure du destin tragique, la mort n’est jamais loin. Je disais « nouvelle » plutôt que « cas clinique » car la place de l’action psychanalytique, la place du psychanalyste est toujours en retrait et c’est dans le procès de l’écriture même, dans le style d’enchaînement des phrases que s’entend la pertinence d’une autre écoute.

Cette dérive patiente vers la belle littérature nous conduit quasi naturellement vers la reprise par Nicole Cerf Hofstein du superbe roman de Margaret Mitchell « Autant en emporte le vent » et ses héros tragiques…
Ce livre contient pour moi une leçon : Si ce livre peut – et doit- être mis entre toutes les mains, même et surtout profanes (en antidote de la bêtise psychologisante ambiante), il s’adresse prioritairement à nous, analystes et j’y vois pour moi cette leçon : à la nécessité d’avoir, pour chaque cure, à réinventer la psychanalyse – le recel de l’inconscient – répond la contrainte de la « trouvaille », et Nicole Cerf Hofstein ici nous livre son secret, son outil de travail, son outil de « trouvaille ». Sa trouvaille c’est une structure, un nœud, un noyau dur qui court dans toutes les histoires, une structure de couple, le lien parfait entre l’hystérique (« elle ») et l’obsessionnel (« lui »), et à ce couple Nicole Cerf Hofstein a donné un nom « HYSOBS ». Ce couple parfait uni « pour le meilleur et pour le pire », dont le livre suit les multiples avatars et extensions : homme/femme, père/fille, mère/fille etc…. pour les feux du désir, la passion du secret, la toute-puissance du maternel et ses dégâts en acte sans oublier, toujours au cœur de chaque névrose, les multiples faillites des Noms du père… le couple « hysobs » est à l’honneur, à l’horreur.

Ce qui spécifie – disais-je – l’écoute analytique du couple c’est le dégagement hors de l’imaginaire à 2 dimensions. En effet, Nicole Cerf Hofstein nous montre que cette structure « hysobs », ce lien naturel entre un homme (obsessionnel) et une femme (hystérique), doit être entendu dans la dimension historique, dans le bain des générations qui préludent aux unions et à la naissance de tout sujet. Couple à deux sur trois générations.

Alors, « hysobs » c’est quoi ? Qu’est-ce que ce « dysfonctionnement qui fonctionne » ? Pourquoi ces 2 structures sont-elles si « aimantes », condamnées à se chercher et à se rencontrer dans des réactions nucléaires ? Quelle est cette nécessité qui produit pour l’homme et la femme, pour le masculin et le féminin, cette force vive qui les fond dans un lien tendu entre vie et mort ? Je n’aurai garde de laisser de côté ici un point d’importance dans le livre, celui de bien distinguer du plan de la « structure » celui du symptôme. Je ne ferai, à propos d’ « hysobs », qu’une citation : L’« hysobs, ou névrose idéale, est constitué par deux êtres dont il est de structure obsessionnelle et elle de structure hystérique. Couple ou tandem, leur choix est structural et leur amour se situe entre structure, symptôme et névrose. Dans le chemin long ou court qu’ils parcourent ensemble pour le meilleur ou pour le pire, l’un comblant l’autre pour que ça fonctionne, ils tirent l’attelage à la fois tous les deux dans une même direction et chacun dans sa direction propre. L’obsessionnel est un coureur de fond, l’hystérique une coureuse de vitesse. » (Page 78).

Nicole Cerf Hofstein n’est pas dupe et si, du coup, elle nous fait errer dans ces nouvelles cliniques, fascinés que nous sommes par les répétitions transgénérationnelles, les choix de vie à l’image des aventures de Brett et Scarlett (sans oublier Ashley, le « ténor » de l’histoire) elle prend soin de nous signifier que l’affaire du couple c’est, pour un analyste, l’enjeu du masculin comme du féminin aux prises avec le maternel et que la règle de leur jeu -la castration- est celle qui fait la loi. A la tenir on peut être dans le meilleur, sinon, le pire s’assure la prise sur l’histoire.

Deux questions à Nicole Cerf Hofstein : nous allons voir avec vous votre « trouvaille », « l’hysobs » ; mais quand même, le masculin, le féminin, ça a bien occupé Lacan dans ses formules de la sexuation ; et puis il nous l’a rabâché, au cas où nous ne l’aurions pas entendu de Freud, qu’il n’y avait pas entre eux, les hommes et les femmes, de rapport possible quant au sexuel ! Pas moyen de faire couple ! Alors ? Qu’en dites-vous ? Mais avant, (ou en même temps !) je vous propose bien volontiers de nous dire comment ça vous est venu ce concept, cette trouvaille ? Comment ça vous tient encore aujourd’hui, et comment vous en faites toujours usage ?

Serge Sabinus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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