Le livre de Danièle Brun « Madame Vertigo et son cancer » nous invite à interroger ce qu’elle nomme la « Rencontre avec une médecine déshumanisée ». Elle propose de faire du malade un acteur nouveau auprès du médecin de plus en plus pris dans une nouvelle médecine dont les algorythmes semblent en être l’acteur principal. Pourtant l’acteur principal de la maladie est le corps. Mais si le corps « organique » fait l’intérêt du soignant, le malade attend aussi une attention pour son corps « psychique ».
Le vécu de Danièle Brun et son expérience en tant que psychanalyste et psychologue en milieu hospitalier nous enseigne sur ce que peut être la relation soignant-soigné.
La médecine personnalisée, dit-elle, n’est pas celle de la personne. C’est ainsi qu’elle nous incite à nous approprier notre corps et ses sensations pour qu’avec les soignants hospitaliers et le médecin généraliste, qu’elle nomme « mamédecin », une prise en charge de la santé puisse être effectuée dans l’intérêt de la personne et de sa vie quotidienne.
C’est parce qu’il lui était difficile de faire entendre sa singularité aux médecins, que Danièle Brun s’est construite une Madame vertigo, que chacun peut avoir en soi, pour prendre le gouvernail du navire, son corps, et trouver les mots pour dire et faire valoir son ressenti. Ce qui a eu pour conséquence, pour elle, de passer pour « une empêcheuse de vie chimique » et une « enfant insupportable ». Ce qu’elle appelle les « tentatives harcelantes d’éducation médicale » dans un « domaine intouchable » où « les gardiens du temple [sont] peu enclins aux concessions ». Les mots de Danièle Brun semblent durs à entendre mais ils résonnent à notre oreille analytique avec les mots entendus et encore peu compris des soignés venant les dire dans notre cabinet.
Danièle Brun évoque le travail des psychanalystes à l’hôpital auprès des malades et des soignants en commençant par citer Freud qui évoquait en 1890 « la révolte intérieure contre le carcan de la pensée scientifique » encore là de nos jours, dit-elle mais configuré autrement. Elle nomme également Lacan qui a prononcé sa conférence « Le patient pédiatrique » dans les années 60, auprès des pédiatres de l’hôpital Necker. En 1973, Ginette Raimbaud a transmis l’expérience des groupes Balint dans une recherche à l’hôpital Necker : « Onze pédiatres et une psychanalyste ». Danièle Brun, ancienne Présidente de l’association Psychanalyse et Médecine, nous fait part de son expérience auprès des mères et des enfants. Le poids des mères et des femmes dans l’histoire de la médecine lui font espérer une collaboration soutenue, dont le corps serait l’objet. « Une relation paisible avec le malade repose sur une double composante émotionnelle : celle du soignant et celle du malade, dont la prise en compte doit se faire chacun pour soi dans des lieux séparés. »
Martine Glomeron-de Brauwer
Psychanalyste, membre de l’école L’instance lacanienne, du mouvement Insistance, de Les Roses de Jeanne association du CHRO de Gien.