Sous la direction de
Céline Masson et de Frédéric Vinot
Aux racines de la création : le rythme. Écritures, jazz

Éditions In Press, 2018. Coll. Pandora, 2018, 152 p.

Ce livre propose de nous immerger au sein des processus de la création, en ce qu’ils interrogent le lien qui existe entre les racines et le rythme. Comment jaillit la création ? Quelle est sa fabrique ? Qu’est-ce qu’une œuvre artistique ? L’acte psychanalytique a- t-il à voir avec l’acte de création ? En quoi y a-t-il résonance ?

Les différentes contributions de cet ouvrage ont pour objet d’étude les racines constamment en mouvement, qui ne cessent de se mêler et s’enchevêtrer, dans un entrelacs de liaisons, de combinaisons, de ramifications. La première partie du texte est consacrée à l’hybridation à l’œuvre dans les processus de création (assemblage chez Rodin, fabrique « métisserande » chez Ponge, créolisation chez Glissant…). La deuxième partie  porte sur la sphère du jazz, que la psychanalyse n’a pas  encore complètement visitée.

Dans le chapitre intitulé « Perméabilité, tissage, métissage et créolisation dans l’œuvre d’Édouard Glissant », Simone Korff Sausse et Monique Zerbib s’interrogent sur les racines et enjeux de la création, en lien avec ceux de la psychanalyse et des processus psychiques. La poésie et la pensée d’Edouard Glissant sont parcourus par le rythme du divers, de la trace, du multiple, de la frontière comme passage, « tout comme dans la vie psychique, la circulation entre les frontières du conscient, préconscient et inconscient est la condition même d’une énergie en constant devenir ». Une autre question est abordée, celle du rapport de soi à l’autre, « être soi sans se fermer à l’autre », est au centre de la poésie d’Édouard Glissant. « Je peux changer en échangeant avec l’Autre sans me perdre pourtant ni me dénaturer » ou encore « L’autre est en moi parce que je suis moi », observe l’artiste. Dans le domaine de la création, comme dans le champ analytique, l’épreuve de l’altérité renvoie à la position de passeur.

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Frédéric Vinot, en référence à un poème de Guillevic (Art poétique), soutient l’idée que « le jazz s’enracine dans ce qu’il devient ». Il explore ainsi la façon dont le jazz altère l’idée d’œuvre comme référent, pour envisager les conséquences que la psychanalyse peut en tirer, dans sa pratique et dans son rapport à l’art. Sont étudiés les concepts de tradition, d’invention, de variation, de développement, d’interprétation, d’improvisation… Dans le sous-chapitre « La pratique et le fantasme », l’auteur développe, en prenant appui sur la psychanalyse, le thème : « Un musicien est battu ». Et battu avec quoi ? Avec son instrument. « Ce fantasme permettrait d’appareiller le corps du musicien barré à l’instrument de musique dans sa visée de l’objet a. »

Le lecteur trouvera, à la fin du livre, une postface d’Edward Perraud, percussionniste, batteur, compositeur : « Oui le jazz désacralise le piano romantique, tout en le gardant vif et si dansant, voilà le mot-clef « dansant » ! Le jazz, et les premiers jazzmen inventent donc la batterie, serait-il l’élément symptomatique de l’invention du jazz ? »

Ce petit ouvrage, très agréable à lire, d’un style clair, a été publié avec l’aide du Centre de recherches Médecine, Psychanalyse et Société (CRPMS) de l’Université Paris Diderot.

Annik Bianchini Depeint

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