![]() Françoise Davoine
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Guérir la mélancolie de tous les temps, de tous les hommes. L’histoire individuelle se tisse des trous et des blessures de l’histoire du monde et, sans n’en rien savoir, en souffre à la folie. Le trou où sombre l’homme mélancolique est un trou de mémoire. Si l’on se donne la peine de suivre F.DAVOINE dans son ouvrage – «DON QUICHOTTE, POUR COMBATTRE LA MELANCOLIE» – on y entendra que c’est folie affligée que Cervantès soigne – «combat» nous dit FRANCOISE DAVOINE. Cervantès et ses souvenirs de Lepante, la main arrachée par un carreau d’arquebuse (si l’on en croit son biographe, c’est pour échapper à une condamnation de justice que Cervantès s’est engagé dans la Navale, condamnation à avoir la main tranchée !). |
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Cervantès et ses souvenirs du bagne d’Alger, ses évasions manquées l’approchant toujours plus près de l’anéantissement dans les déchirures du corps, Cervantès au pli de l’histoire du monde dans ces jours terribles où Dieu concentrait son courroux sur Al Andalous désignant du doigt à Isabelle et Philippe ceux qu’ils devaient proscrire du Paradis, les Juifs et les Maures. Si l’on a fait l’hypothèse d’un Cervantès marrane, on lira dans DON QUICHOTTE –entre les mots – des critiques acérées autant que désespérées à l’encontre de l’expulsion des derniers Maures de Ricote. Mais la censure veille et l’ingénieux Cervantès, dans le fil de cette extraordinaire histoire de Livres devenus vivants – les livres et héros de la Chevalerie – invente DON QUICHOTTE (« une gaillarde histoire, manchote et estropiée », écrit Cervantès.) comme celui qui noue à la langue castillane les écritures arabes et ses noms, ses lectures, ses découvertes, ses traducteurs… Dans son travail continu, connu, d’exploration de la folie et des traumatismes où la mort œuvre, FRANCOISE DAVOINE a été appelée par DON QUICHOTTE et son livre en rend magnifiquement compte : « …mon idée [est] d’explorer la force thérapeutique du roman. Entre Don Quichotte et Sancho Pança, se déroule en effet une véritable psychanalyse des traumas, au décours de laquelle Don Quichotte devient même psychanalyste du fou de la Sierra Morena, et finit par permettre à son père, Cervantès, d’inscrire l’épopée de ses guerres et de son esclavage à Alger », et,plus loin : « Cervantès, avec son Don Quichotte, lui a donc permis de sortir de l’enfer et d’écrire à son tour un livre à même de tirer le lecteur de la fascination des aires de mort » (p14/15).
Vingt années donc avant que, au plus sombre d’une prison sévillane, Cervantés invente Don Quichotte. FRANCOISE DAVOINE soutient freudiennement que le trauma – au sens analytique – se déploie dans une temporalité spécifique : « Comme dans toute analyse de folie et de traumas, l’original d’une première inscription est toujours perdu. Il est retrouvé par hasard, dans un deuxième temps, que scande le trauma second. Reste, à titre de première trace, une première partie tronquée qui met en branle l’appareil du transfert, et sert éventuellement de mèche d’allumage aux passages à l’acte. » (p119). On le sait j’imagine, cette construction est exactement celle du DON QUICHOTTE ! FRANCOISE DAVOINE nous dit que cette duègne centenaire qu’est la psychanalyse « malgré qu’elle en ait, démontre encore une belle vitalité ». Et pourtant, à regarder autour de nous comment le lien social brisé, mâché par l’ultralibéralisme, creuse autour d’elle une enceinte stérile (au nom de la science reine, au nom du Bien public réduit aux biens de consommation) lui assurant une dit-solution finale, on se prend à questionner, mais alors quelle vitalité ?! A moins que, précisément, l’écriture de SA mélancolie (à elle, la psychanalyse) puisse la relancer au risque de s’y perdre. FRANCOISE DAVOINE a le courage (voilà un vrai terme analytique) de s’y risquer, comme Cervantès, ou plutôt comme Don Quichotte. Serge Sabinus |
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![]() Phillippe Bucké
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![]() Helene Kourganoff
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![]() Francis Cohen
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L’Invité : mardi 9 juin 2009
Françoise Davoine pour son livre "Don Quichotte, pour combattre la mélancolie" Editions Stock Présentation Serge Sabinus