« Je crois au hasard extérieur (réel), mais je
ne crois pas au hasard intérieur (psychique).
C’est le contraire du superstitieux » (…)
Sigmund Freud, dans Psychologie de la vie quotidienne
« Le joueur est celui qui, à sa façon, porte l’inconscient à une sorte d’incandescence. Il en guette la pulsation dans un chiffre, un nom, une combinaison signifiante (…) Il pressent déjà une jouissance. S’il en est ainsi, le joueur sera un des mieux placés pour devenir psychanalyste, à condition de savoir maîtriser cette jouissance que lui offre le hasard », écrit Claude Rabant dans la préface. « Ce que nous démontre l’expérience du joueur, c’est la nature vertigineuse de la jouissance, cette expérience du réel où l’excitation s’oppose à elle même et s’autodétruit dans sa propre affirmation et sa propre violence ».
Qu’en est-il du hasard dans la cure ?
Guy Dana explore la place du hasard dans la vie quotidienne, son rapport à la croyance et à la superstition. En s’appuyant sur les travaux de Freud, Winnicott et Lacan, il montre les affinités entre le jeu et la psychanalyse, cherchant ainsi à renouveler la compréhension de la méthode analytique.
Qu’est-ce que le hasard pour Freud ? « Je crois, dit Freud, au hasard extérieur (réel), mais je ne crois pas au hasard intérieur (psychique). » « Cette double face du hasard, celui qu’il y a et celui qu’il n’y a pas, place l’analyste entre le hasard extérieur et le non-hasard intérieur, entre l’accueil et le questionnement. », observe Guy Dana. « Finalement, le hasard dans ses deux composantes s’adjoint au transfert, à l’association libre et à la scansion des séances, et constitue un partenaire inattendu participant à la cure, mieux : à la technique analytique », (p.13).
Guy Dana est psychiatre et psychanalyste. Licencié en philosophie, il a été deux fois président du Cercle freudien. Formé par Lacan, il a longtemps dirigé un service de psychiatrie adulte (1991-2017). Il s’est orienté vers une psychiatrie comptable des sciences humaines et de la psychanalyse.
Pour le psychanalyste, l’enjeu, dans cet ouvrage, est de réussir à travailler avec le hasard qu’il n’y a pas. Un travail acharné contre la pulsion de mort, en particulier lorsque le hasard la convoque. Thanatos présentant la caractéristique de favoriser les processus cliniques de répétition et de régression. Car certains signifiants gardent un caractère traumatique. Ce qui peut conduire vers le travail psychique des mots.
Citant Nietzsche, « La force d’un esprit se mesurerait à la dose de vérité qu’il serait capable de supporter, ou au degré où il lui serait nécessaire, cette vérité, de la diluer, de la dissimuler, de l’édulcorer, de l’estomper et de la fausser. » (Par-delà le bien et le mal), Guy Dana reprend : « Les effets de l’analyse peuvent s’orienter vers des constats directement philosophiques qui sont innombrables à partir du moment où l’analyste possède un savoir-faire avec les mots et la parole » (p. 156).
Guy Dana conclue son essai sur l’incertitude et le trait d’esprit : « En définitive, l’acceptation de l’incertitude et la tolérance à l’inattendu sont des critères de la fin d’une analyse à retenir comme les plus importants, dès lors que la position du sujet en relation avec ses symptômes n’est plus la même. »
Annik Bianchini-Depeint