Jacqueline Schaeffer reprend dans ce livre, en les actualisant et en les présentant sous un éclairage thématique, nombre de ses travaux antérieurs sur la question du féminin, publiés depuis vingt-cinq ans. C’est donc un ouvrager de référence.
Femme de conviction, elle affirme avec force une conception du féminin comme « sexe autre », comme qualité du sexuel à découvrir et éprouver pour la femme mais aussi pour l’homme.
Si « on ne naît pas femme », on naît petite fille.De l’identité anatomique à l’identité psychosexuelle, Jacqueline Schaeffer parcourt les étapes d’un processus à la fois corporel et psychique, jalonné d’épreuves violentes, de séparations et de franchissements potentiellement traumatiques, en restant au plus près de la théorie freudienne des pulsions.
La question du manque est au fondement de son analyse,qui lui permet d’approcher le roc du refus du féminin de façon à la fois rigoureuse et très compréhensible.
« Comment le féminin vient-il aux filles ? ». Jacqueline Schaeffer consacre un chapitre très argumenté aux rapports mère-fille, à la séduction maternelle primaire, aux différents enjeux de transmission, au ravage, à la séparation.
Dansun très intéressant chapitre sur la sexualité féminine, l’auteure met en place les bases de ce qui va permettre de spécifier le féminin, la féminité et le phallique pour les deux sexes.
La réponse qu’elle apporte à la question « Que veut une femme ? »,lui fait introduire la notion« d’amant de jouissance ». Elle ouvre la voie à ce qu’il en est de la conjonction désir-amour, et à celle de la jouissance sexuelle pour les deux sexes. Et c’est dans un langage très accessible qu’elle aborde l’énigme de la jouissance non phallique.
On trouvera aussi des développements subtils sur les angoisses et les souffrances du féminin, sur l’antagonisme entre féminin et maternel.
On aurait souhaité plus de développements sur ce qu’il en est du féminin pour l’homme. C’est par petites touches que Jacqueline Schaeffer s’attache, avec tact, à cette question si difficile.
À l’heure où se développent dans la société tant de postures psychiques, morales et institutionnelles marquées par l’évitement de la différence sexuelle, Jacqueline Schaeffer réaffirme, de façon particulièrement étayée, l’importance de la rencontre, sexuelle et amoureuse, pour le développement du sujet, et pour faire civilisation. Il n’y a qu’un pas du « travail du féminin » au « travail de culture ».
« Au-delà du phallique, le féminin ».
Jean-Jacques Chapoutot
Psychanalyste et psychodramatiste, adhérent Espace analytique, membre de l’Association Psychanalyse et Médecine, membre d’Oedipe le Salon.