Jean-François Chiantaretto | Se parler, parler

A l’écoute de l’infans dans l’adulte

Campagne Première, 2025

Article rédigé par : Katia Dziwulski

L’essai de Jean-François Chiantaretto est une invitation au dialogue, avec l’autre, de prime abord le lecteur.

Pourrait-on dire qu’avec ce dernier livre il s’agirait pour l’auteur de casser les « tables de loi » de la psychanalyse sans les condamner ?

La clinique contemporaine semble nous y obliger.

Il y a une dimension éthique et politique à cet ouvrage à l’aune de notre époque promettant l’affranchissement de toute forme d’aliénation du sujet humain au nom de libertés esseulées.

L’Histoire pourtant, les Histoires ne s’oublient pas, et à sa façon le propos de Jean-François Chiantaretto nous le rappelle avec force dans le champ qui nous concerne.

Celle de la psychanalyse, loin d’être écrite dans le marbre, nous offrirait des clefs pour comprendre nos impasses thérapeutiques actuelles.

Encore faut-il s’autoriser à relire Freud dans l’esprit d’un recommencement.

Le message est clair, retournons au métier à tisser !

L’auteur propose cette relecture à partir des points de ruptures amicales du père de la psychanalyse aux fondements de son acte créateur par l’écriture.

Inventer la psychanalyse en l’écrivant suppose une double perte, celle de l’illusion d’une possible « incarnation de l’interlocution interne chez l’autre » (1), celle aussi de la qualité de fondateur imaginairement unique, en s’exposant.

Le champ du dialogue interne pour Freud, en s’ouvrant et en se déployant pendant près d’un demi-siècle d’écriture, a ouvert un espace indéfiniment vacant pour d’autres penseurs analystes, ou pas. Nous en sommes des témoins actifs.

« Comment rester freudien ? En devenant freudien, en renonçant au credo narcissique au cœur des logiques d’appartenance» (2).

Voilà un hymne à une métapsychologie en devenir, toujours vivante, adossée à la clinique de la rencontre transférentielle. Nous connaissons l’ambivalence des écoles analytiques quant à cet idéal freudien quelques soient leur orientation, enfermées bien malgré elles dans leur logique interne de transmission.

La question de la mort dans la vie accompagne la pensée de l’ouvrage du début à la fin, et ça n’est sans doute pas un hasard si la relation Freud-Ferenczi apparait comme paradigmatique du propos.

« L’endroit du défaut » (3) entre les deux hommes est la question du trauma et son cortège de détresse, d’imminence mortelle représentée par la figure de l’infans. C’est la figure du malaise par excellence pour l’auteur dans ce qu’elle incarne l’impossible accueil par les mots de l’Autre et la voie potentielle vers la destructivité.

Comment symboliser le Réel dirait Lacan ? Un dialogue ici serait fécond, notamment pour tenter d’approcher la complexité des questions de l’intime et du Surmoi de la culture sur lesquelles l’auteur conclue.

En 1954, Lacan proposait : « le Surmoi est à la fois sa loi et sa destruction. Il est le commandement de la loi pour autant qu’il n’en reste que la racine. » (4)

Comme tout ouvrage généreux, celui de Jean-François Chiantaretto ouvre à débattre et à interroger, à recommencer.

Katia Dziwulski, psychanalyste.

(1) Jean-François Chiantaretto, Se parler, parler. A l’écoute de l’infans dans l’adulte, 2025, Campagne Première, p 36
(2)Ibid, p38
(3)Ibid, p 26
(4) Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, 1953-54, Paris, le Seuil, p119

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