Ce livre est une gageure ; il s’agit de faire s’accorder philosophie et psychanalyse. Mais la philosophie me semble plutôt attendue comme une réflexion sur la nature humaine, et les philosophes comme des grands sages. A côté de la psychanalyse est extraite des sortes de préceptes de vie, comme des conclusions philosophiques que l’on pourrait en tirer. Pourquoi pas ? Périphérie donc !
Il s’emploie assez souvent à faire discuter Freud avec les philosophes, sur le temps, la mémoire, la conscience, le deuil … toujours éclairant.
Mais ce n’est pas le plus intéressant : il y a quelques histoires cliniques, longues et documentées, reprises dans différentes chapitres, comparées à d’autres qui attestent d’une longue expérience, comme des leçons de vie qui sont passionnantes. Certains moments de grâce aussi sur les Haikus japonais, sur le deuil chez Rilke.
Alors c’est nouveau dans la littérature psychanalytique et finalement peut-être tout à fait bienvenue, pas forcément pour les psychanalystes qui sont plutôt frileux de ce genre, mais pour nos sociétés si perdues dans l’effondrement du sens de la recherche scientifique qui n’a plus l’air que de favoriser les pires capitalistes de notre monde. (cf. séminaire d’Emmanuel Brassat). Il y a lieu aujourd’hui d’extraire du savoir de la psychanalyse justement ce qu’elle peut dire sur la condition humaine. Et si ce n’est pas appuyé sur des expériences de laboratoires, c’est appuyé, et c’est aussi sûr, sur une longue expérience de l’écoute où l’interlocuteur psychanalyste n’y va pas de ses opinions.
Jeanne Lafont, psychanalyste, psychothérapeute. Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015