Juan Pablo Lucchelli
Introduction à L’OBJET a de Lacan

Préface de François Leguil
Éditions Michèle, 2020, 271p.

« Le petit a qui est ce reste, ce résidu,
cet objet dont le statut échappe au statut de
l’objet dérivé de l’image spéculaire,
c’est-à-dire aux lois de l’esthétique transcendantale »
Lacan, Le Séminaire L’Angoisse, p. 51

« Qu’est-ce que l’objet a ? », s’interroge Juan Pablo Lucchelli.
L’objet a, qui ne correspond qu’à un usage métaphorique, est l’objet cause du désir. Jouissance à jamais perdue, manque impossible à dire. Dans cet objet, inventé par Jacques Lacan,  s’incarne le mode de jouir du sujet, à son insu, à travers le fantasme. Il entretient un rapport étroit avec  l’inconscient, le signifiant, le transfert, le phallus.  L’objet a est la formalisation, inspirée par les mathématiques, de cet objet du désir que le  psychanalyste ne trouve nulle part. C’est un petit bout du sujet qui chute. Mais on n’a jamais possédé cet objet.

Peu de livres traitent de façon aussi rigoureuse, progressive, explicite,  cette invention lacanienne. Dans la préface, François Leguil  observe que « cette Introduction est en vérité une grande dissertation ; détaillée, précise, elle réclame une application de lecture que mérite amplement l’efficacité de la mission qu’elle veut remplir et qu’elle remplit : celui d’une transmission consacrée à la théorie de l’objet a de Jacques Lacan».

Ce concept apparaît en esquisse dans les premiers séminaires de Lacan, avec l’hypothèse de la prééminence du symbolique, jusque dans son dernier enseignement, dans le Séminaire XX Encore.  C’est donc à partir des recherches sur le début de l’œuvre de Lacan que l’auteur a mené son étude, en observant l’émergence de « l’objet des objets ». Il s’est également intéressé aux observations menées par d’autres spécialistes de l’enfance et de la psychologie expérimentale, comme Merleau-Ponty, Winnicott, Wallon… Le chapitre III de l’ouvrage est dédié à L’esthétique transcendantale de Kant et la nôtre. Le chapitre IV s’interroge sur  Le fantasme en psychanalyse,  le chapitre V, Le désir de l’analyste. Cet essai met également en relief le pas décisif qu’opère Jacques Lacan avec « Le stade du miroir ».

Juan Pablo Lucchelli est psychiatre et psychanalyste à Paris. Il est membre de l’Ecole de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de Psychanalyse. Docteur en psychanalyse, docteur en philosophie, il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles de référence. Il a publié, notamment, Sexualités en travaux, avec Jean-Claude Milner et Slavoj Zizek (2018), ainsi que Lacan de Wallon à Kojève (2018), Métaphores de l’amour (2012),  Le Malentendu des sexes (2011),  Le Transfert de Freud à Lacan (2009),  La Perversion (2005).

L’auteur propose deux types de définition de l’objet a. Il commence par apporter un  versant négatif de l’objet,  qui serait en quelque sorte un « manque d’objet ». Manque produit par la structure même du langage, déduit de l’hypothèse lacanienne du symbolique. Et il y aurait « un versant positif de l’objet », qui ne serait pas symbolisable, et prendrait racine au niveau du registre imaginaire, apparaissant ainsi  sous la forme  du regard. L’objet regard serait-il  le paradigme de l’objet a ? « Le regard est donc ce qui est avant et après la vie du sujet, à l’instar des images trouvées dans les grottes, seules traces des êtres assujettis au symbolique, et qui continuent encore aujourd’hui à les regarder », indique l’auteur. La soumission de l’être parlant au signifiant implique la causalité des objets a, voix et regard.

Dans le séminaire sur l’angoisse, Lacan introduit « cinq formes de l’objet petit a ». L’une des formes de l’objet a, à savoir le regard, est développée dans le chapitre VI, intitulé  Le regard qu’on ne voit pas. Juan Pablo Lucchelli  met l’accent sur la primauté de l’objet  regard  sur la vision : « De même que le signifiant préexiste à la venue du sujet au monde, de même le regard est déjà là, anticipant toute possibilité de vision. Il faut donc situer les choses ainsi : le regard préexiste au fait de voir, c’est pourquoi il ne peut exister de réciprocité qu’imaginaire entre voir et être vu, entre regarder et se faire regarder ». Le regard est le support d’une médiation de l’autre. C’est aussi « le moment de chute, de retournement vers ce qui chez cet autre nous pousse à voir ».

Articulant  théorie et clinique, Juan Pablo Lucchelli illustre sa  démonstration  par des exemples de la vie quotidienne et des cures analytiques, de sa propre pratique et de celle des autres.

Annik Bianchini Depeint

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