Liliane Fainsilber
Les orthographes du désir
L’Harmattan, Coll. Études psychanalytiques, 2017, 255 p.

Dans ce livre, Eliane Fainsilber propose un « viens avec moi » du graphe du désir tel que Jacques Lacan l’a inventé pour l’usage des psychanalystes. Dans les années 1957-1958, Lacan élabore son graphe du désir à partir de deux séminaires,  Les formations de l’inconscient et celui du Désir et son interprétation. Au fil des séminaires et au fil du temps, Lacan ne s’est jamais complètement désintéressé de l’usage de ce graphe du désir, et ce jusque dans son dernier enseignement (« Les non-dupes errent, séance du 9 avril 1974), au moment où le graphe laissera la place au nœud borroméen. L’auteur nous invite à suivre pas à pas les différentes étapes de son invention pour en découvrir son fonctionnement et son efficacité dans la clinique psychanalytique.

A l’époque où Jacques Lacan aborde une approche linguistique des formations de l’inconscient, quatre séminaires ont déjà eu lieu. C’est le  point de capiton (point de jonction entre le signifiant et le signifié), qui va servir de toile de fond à la naissance du graphe. De mystérieuses lettres seront inscrites au bout de ses branches : ce sont des sortes de mathèmes inventés par Lacan, comme celle par exemple de S barré poinçon de petit a, qui correspond à la formule du fantasme ou celle du Signifiant de grand A barré. Grâce à ces lettres, Jacques Lacan a présenté une forme de mathématisation de la théorie freudienne : celle de la pulsion, du symptôme ou du fantasme. Le graphe est donc une écriture. D’où le titre de l’ouvrage : Les orthographes du désir.

« Toute l’efficacité de la psychanalyse tient aux pouvoirs de la parole » dit Liliane Fainsilber. Jacques Lacan dit et répète que « l’écrit n’est pas premier mais second par rapport à la parole ». Sachant qu’il n’y a d’être que dans le langage. Cependant, ce n’est que par l’écrit que peut être interrogée ce que Lacan nomme la dimension- la dit-mension de la vérité. Par ailleurs, s’il n’est que de l’écrit que se constitue la logique, l’écrit ne se construit, ne se fabrique que de sa référence au langage. Et c’est dans cette référence que Jacques Lacan a créé le graphe.

Liliane Fainsilber est psychanalyste, elle a publié plusieurs ouvrages aux éditions L’Harmattan : Lettres à Nathaël : une invitation à la psychanalyse, La place des femmes dans la psychanalyse, Eloge de l’hystérie masculine. Elle est responsable d’un site, Le goût de la psychanalyse, et a créé un blog, Le livre bleu de la psychanalyse.

Au chapitre VII intitulé « Le graphe du désir de Renée, l’analysante de Maurice Bouvet », dans le premier paragraphe, l’auteur écrit : « Comme au début de chacune de ces séances des “ Formations de l’inconscient”, Lacan reprend inlassablement son schéma du graphe du désir. Une fois de plus, dans cette séance du 25 juin 1956, il s’intéresse à la ligne du haut du graphe du désir, ligne du haut qui est, pour l’analysant, inaccessible et que l’analyse doit lui faire découvrir. C’est pourtant elle qui structure toute la névrose de l’analysant. Et du coup, en lien avec cette structure, Lacan nous donne une nouvelle approche de ce qui s’appelle “ personnalité” ». Quelques autres usages possibles du graphe du désir peuvent être appliqués à la structure des trois névroses, phobie, hystérie, névrose obsessionnelle. L’auteur reprend également, dans le livre, la question de la fin de l’analyse de l’Homme aux loups.

Liliane Fainsilber a prolongé l’usage de ce graphe du désir aux amours impossibles de Roméo et Juliette. Dans le chapitre XIII, « Les deux graphes du désir de Roméo et Juliette », elle écrit : « Sur le double graphe du désir de Roméo et Juliette, on peut, en fonction des deux lignes du haut de chacun de ces graphes, nommées lignes du complexe de castration, repérer comment s’inscrivent au niveau des deux messages, Roméo comme symptôme de Juliette sur son graphe du désir (graphe noir) et Juliette comme symptôme de Roméo sur son graphe (graphe bleu). Ces deux symptômes, Lacan ne les inventera que plus tard, l’année du séminaire du Sinthome, mais ils sont déjà là en attente de formulation. »

Tout au long de cet ouvrage, précis et rigoureux, le lecteur est convié à un travail d’exploration de l’efficacité du graphe du désir, dont le maniement subtile, laissé à l’inventivité de chacun, se révèle être un outil précieux pour la clinique analytique.

Annik Bianchini Depeint

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