Ce livre est une lecture de l’œuvre de Jacques Lacan, qui fait suite à un séminaire que Marie Pesanti-Irrmann a tenu des années durant sur les développements théoriques de Lacan, relatifs à la question du désir, du phallus, de l’œdipe, de la pulsion et du fantasme. Au fil de ce travail est apparu comme en filigrane la question de l’amour et de la jouissance, qui éclaire ce qui est resté pour Freud l’énigme du féminin. Parallèlement, les avancées de Lacan étaient ponctuées par des rencontres qu’il faisait avec des figures féminines qui ont jalonné toute son œuvre, qu’elles soient empruntées à sa pratique clinique, à la littérature, au théâtre, à la philosophie ou à la mythologie.
Le projet de cet ouvrage est venu du souhait de restituer quelques-unes de ces rencontres avec les femmes qui ont enseigné Lacan, telles que Diotime, Antigone, Sygne de Coûfontaines, Ophélie, Marguerite de Navarre, Thérèse d’Avila, Aimée ou Lol V. Stein, et qui toutes lui ont ouvert une voie de l’au-delà de l’œdipe et du phallus. Avec elles, Lacan a pu approcher un mystère plus lointain, une voie plus large, plus profonde que l’inconscient freudien, qui est celle de la jouissance et de l’amour. « Lacan est un de ces auteurs, avec quelques autres, qu’on lit et qu’on relit, et chacune de ces lectures découvre, derrière les pages maintes fois parcourues, un nouveau texte resté jusque-là inaperçu. Ce retour au texte, pourtant toujours le même et cependant à chaque fois différent, porte l’empreinte de ce qui nous arrête, de ce que notre désir vient ponctuer, témoignant de ce qui occupe notre pensée, de ce qui nous met au travail », indique Marie Pesanti-Irrmann dès le début du livre. Marie Pesanti-Irrmann pratique et enseigne la psychanalyse à Strasbourg et à Paris. Elle est membre d’Espace Analytique et du comité de rédaction de la revue Figures de la psychanalyse. Tel un fil d’Ariane, ces figures féminines accompagnent Lacan dès le début, voire le précèdent. « En ce sens, elles le précèdent et lui font entrevoir des modalités de jouissance qui ont pour nom sublimation, absolu, au-delà du principe de plaisir, et ne se rangent pas-toutes sous le signe de la jouissance phallique ». Lacan se laisse guider par elles, un continent noir qu’il approche plus facilement par l’art que par les outils de la pensée. Dans ces rencontres, on peut le voir se montrer admiratif, réjoui, attendri par ces femmes et par l’intraitable qu’elles mettent en œuvre. De l’inaccessibilité de la dame de la fin amor à la folie d’aimer. Tout au long de son enseignement, Jacques Lacan fait résonner les textes de Platon, de Sophocle, de Shakespeare, de Marguerite Duras… « Tout au long de ce chemin surgissent des figures féminines qui semblent s’imposer sur cette voie du réel en jeu dans la psychanalyse, et l’introduisent à la pensée de la négativité, au triomphe de jouissances obscures, à l’abandon aux délices de l’ascèse, et font de la mort de Dieu, du consentement au vide de la chose, du dérisoire du signifiant, les rivages de leur continent noir », observe l’auteur. La question du féminin a mené Lacan sur des rivages qui ont orienté toute son œuvre, l’obligeant ainsi à inventer de nouveaux concepts, par le maillage de la logique, de la topologie et de la poésie. Dans un style fluide et aéré, au plus juste du texte des séminaires, Marie Pesanti-Irrmann invite le lecteur, qu’il soit psychanalyste, psychologue ou étudiant, à suivre quelques-uns de ces chemins que Lacan a empruntés. Annik Bianchini Depeint |
Marie Pesanti-Irrmann
Lacan à l’école des femmes
Éditions érès, Coll. Point Hors Ligne, 2017, 278 p.