Que veut nous faire entendre l’auteur, psychanalyste sinisante, Nathalie Moshnyager, par ce titre ? Le jeu de mots entre « Occidenté » et « accidenté » résonne avec « à l’Ouest ». Nous pouvons remarquer la majuscule répétée sur la lettre O alors que le a est écrit en minuscule. En quoi la psychanalyse lacanienne serait concernée, à partir de son inventeur, par « L’Occidenté » et l’ « accidenté » ? Nathalie Moshnyager précise « accidenté d’être à l’Ouest » qui nous laisse entendre une orientation en lien avec les points cardinaux, celle de l’Ouest et de l’Est mais aussi l’expression « être à l’Ouest » c’est-à-dire « déboussolé », « sans repères », j’ajouterai « ne pas être sujet ». Souhaite-t-elle nous faire entendre, par là, le petit a, la minuscule, le troudans les incantations de La Chine antique et l’objet du désir dans la construction théorique de Lacan ?
Sans répondre à cette question, l’auteur nous emmène en excursion dans La Chine antique visiter les modalités divinatoires et leur impact sur la structuration politique et sociale du pays. Des « lignes marquantes » sur la pierre expriment des formes dont la lecture est « révélatrice de la structure interne des choses ». A l’époque des Shang (-1600 à -1027) la lecture diagnostic s’intensifie pour une recherche de pronostics concernant, par exemple la pluie, sur des os brûlés. L’auteur nous en explique la technique et la lecture des signes qui s’effectue à partir des fissures, des accidents. C’est l’ostéomancie. La retranscription de ces signes sur gravure est à l’origine de l’écriture.
Peu à peu, vers -1300, les carapaces des tortues remplacent les os sur lesquelles les révélations se lisent à partir des craquelures révélant des formes dans les écailles. C’est la chéloniomancie. Ce qui permet le développement de la pensée symbolique. Nathalie Moshnyager poursuit avec l’histoire de la tortue comme animal emblème des fondements chinois, dans une recherche anthropologique avec Léon Vandermeersch et Sarah Allan. Cet animal et surtout sa carapace représentent un lien entre science, écriture et littérature. En relatant le processus technique de l’opération divinatoire chéloniomantique, l’auteursouhaite nous en faire entendre le lien avec l’écriture de Lacanmarqué par son apprentissage de la langue chinoise. Elle en cherche des traces dans ses écrits et séminaires.
A nouveau, elle nous emmène en voyage dans le temps de formation de la psychanalyse lacanienne, de 1957 avec la question de l’instance de la lettre, jusqu’en 1973 dans Encore avec les griffouillages, puis dans les non-dupes errent où Lacan avance avec l’écriture du nœud borroméen, après être passé par les grafouillages en 1971. « C’est sur le nœud qu’elle joue » dit Lacan, de la langue chinoise. A côté de ces rapprochements, Nathalie Moshnyager en pointe également des écarts.
Lacan, de l’Occident, s’est laissé prendre par la lecture et l’écriture primitive d’Orient, à partir des accidents provoqués par des tisons brulés sur la matière. D’être à l’Ouest ne l’empêche pas de se tourner vers l’Est pour peu à peu construire son enseignement mais pas sans la révélation des fissures, des accidents inhérents au sujet et à sa division marqué par l’objet a.
Martine Glomeron-de Brauwer
Psychanalyste. Membre de L’instance lacanienne. Dernier article dans Lapsus : S’orienter dans la nomination. Vient de paraître une transcription de Les noms du Père de Lacan.