Sous la direction de Hervé Castanet | Vieillir, études cliniques

L’avenir dure longtemps éd., 2024

Article rédigé par : Nathalie Georges-Lambrichs

Vieillir ? sans doute mais où et comment ? La définition de la vie comme maladie sexuellement transmissible et mortelle a elle-même vieilli : la science et son corollaire, la sophistication de hautes technologies prometteuses, y ont substitué ou ajouté d’autres circuits.

La question se pose donc aujourd’hui sur les bords du main streamsociétal où « on » pense avec son cerveau point barre. Elle se pose aux psychanalystes, marginaux depuis toujours, et qui persévèrent dans l’expérience que l’hypothèse de l’inconscient ne cesse pas d’enrichir depuis Freud. Quel est l’impact du signifiant vieillir sur les corps vivants et mortels, si l’inconscient ignore le temps, si « dans l’inconscient rien ne peut être conduit à son terme, rien n’est passé ni oublié » (p. 71 et p. 121), puisqu’il a la propriété paradoxale de conserver le nouveau à l’abri du temps.

Le nouveau…C’est l’os de l’affaire. La pulsion le ronge avec constance, du point A de la naissance au point B de la mort, selon des trajectoires dont aucune ne se superpose à aucune autre, étant le tracéd’une suite de hasards, non reproductible comme telle, qui aura organisé cette existence-ci ou celle-là, dont il nous est donné de connaître dans ce volume,du fait de leur rencontre avec un psychanalyste.

Les actes du colloque de 2019 (présentés p. 9-18) explorent les conséquences du « phénomène de société » qu’est l’allongement de la durée de la vie, et ce qu’il implique. Le discours courant n’est d’aucun secours pour le sujet qui se sait proche de sa propre mort mieux que personne, quand même il n’en voudrait plus rien dire, faute d’une adresse, faute d’un interlocuteur intéressé.

La psychanalyse donne chance aux sujets un par un de répondre, de ce que la parole fait d’eux. Il y a des signifiants qui terrorisent (cf. p. 59) : le vieux, la mortne me concernent jamais moi, qui persévère dans mon être jeune depuis plus ou moins longtemps. L’accueil et le traitement de la déferlante de féroce ignorance aujourd’hui et bien moins que demain sont au cœur de l’éthique freudienne.

S’en soucie qui s’y prend, et s’y plaît, au-delà du principe de plaisir, dans la compagnie de l’éternel séducteur qu’est Don Juan (p. 175-193), mais pas seulement, car le désir d’éternité n’est pas plus le nom de la cause freudienne que le goût du châtiment. Plutôt « l’imprévu de tout désir », pour reprendre les mots du grand poète Pierre Lepère, est-il invité aux lieu et place du convive de pierre, à jouer sa partie, fin comprise, de la manière la plus adéquate aux mystères de l’amour.

Nathalie Georges-Lambrichs

Psychanalyste membre de l’ECF, de l’AMP et de l’association des psychologues freudiens.

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