L’Invité : mardi 14 décembre 2004

Thierry PERLES pour son livre "Nos joies" Editeur Ramsay Présentation par Philippe Beucké

 

 

 

Cher Thierry Perlès
Furetant dans ma librairie préférée, avec plaisir votre livre me tombe dessus ! Rassuré un instant par son petit format (c’est vrai que parfois des pavés conséquents m’écrasent),  j’ai vite été inquiété par sa lecture
 » Nos joies. Le réel est à l’horizon  » que ce dernier soit là n’est pas une nouvelle,  mais un avertissement qui traverse tout votre livre !
J’ai vraiment éprouvé un plaisir jubilatoire, une certaine joie oserais-je dire à vous lire car votre façon de mettre au travail les concepts est nouvelle, non, nouvelle ne suffit pas …. plus, originale et un tant soit peu provocatrice … Mais n’y a-t-il pas dans cette remarque le fait que je vous entends dans certains cercles !!!

S’ajoute à cette lecture toute joyeuse, un amusement, un gain de plaisir à sentir votre enthousiasme

Enthousiasme que je vous prête et qui me faisais dire : « Au fond Thierry Perlès nous annonce une bonne nouvelle, la psychanalyse est encore là et si nous tenons le cap, la peste nécessaire à la société peut encore sévir !! et une moins bonne nouvelle ; du moins une nouvelle plus grave, c’est tenir le cap : soutenir la découverte freudienne dans ce qu’elle a promu ; le progrès implique toujours le refoulement

Le propos freudien que vous nous rappelez se soutient du travail que vous menez -axe fort de votre livre- des rapports du sujet à l’objet
Tentant de montrer la réalité -autre nom de l’inconscient qui vient en tiers entre sujet et objet, vous nous invitez à nous dégager d’une capitulation à l’objet toujours menaçante.

C’est du reste à partir de ce jeu dialectique sujet/objet que vous établissez un passage de l’individuel au collectif, de l’intime (par intime, entendons ce qui est du côté du sujet de l’inconscient) au champ social : le politique.

Que le sujet reste captif de l’objet, il tente toujours d’abolir la césure entre lui et l’objet dans une passion de l’identique ; le résultat de cette capture, tous les totalitarismes en montrent la folie meurtrière.
Notre tâche : alors c’est supporter l’inconscient, c’est-à-dire prendre mesure de ce qui, dans cette intervention tierce, est laissé de côté : à savoir le réel. Il vaut mieux le connaître car à le refuser, le sujet en paiera la note : la livre de chair !

Dois-je entendre – c’est une question, que cette reconnaissance c’est justement éviter à tout prix la glu du sens mais en supporter l’énigme ; car à mettre du sens n’est-ce pas nier l’événement ? Supporter le réel dans son abjection .C’est ainsi que j’entends votre remarque de ce que  » Le réel nous renseigne sur notre désir de nous-même et sur les limites que ce désir rencontrera nécessairement  » ce qui me fait lire autrement ce que Lacan nous disait  » du réel comme impossible »

Néanmoins aussi mal posée soit ma question j’essaie de souligner avec vous T.Perlés que se dégager du sens c’est éviter que la psychanalyse devienne religion. Du reste la théorie du refoulement telle que Freud l’a élaborée ; c’est se demander  » Ce que l’homme reconnaît de lui-même dans la connaissance qu’il prend du monde  » question qui mesure le degré de civilisation d’une culture.

Alors que le progrès de la vie de l’esprit, que l’homme accepte d’en savoir un petit bout sur lui-même, c’est l’espace d’une laïcité qui doit toujours en relever le défi (j’aime bien ce terme de laïcité car il me fait penser à l’analyse laïque)
Fort heureusement vous ne nous épargnez point puisque vous nous rappelez que nos associations d’analystes doivent reconsidérer ce baptême laïque ; il y va de notre responsabilité quant à la vie de l’esprit.

Autre question : cette laïcité n’est-ce pas ne pas céder sur notre désir si ce qui  » s’appelle le désir suffit à faire que la vie n’ait pas de sens à en faire un lâche  » (comme nous le rappelait Lacan in Kant avec Sade). C’est dire le souci éthique de votre travail .

J’arrête là mon bavardage car il y aurait encore beaucoup à vous demander. Par exemple, comment à l’issue de ce travail formuler au mieux ce qui peut être trop souvent collusion ou disjonction entre analyste et citoyen ? pour une mise en tension féconde.

 » Mehr Licht  » Que la joie demeure, joie engendrée par un entendement affranchi. La joie est la parousie de l’être !
En tout cas c’est une sacrée façon que vous osez pour nous transmettre la psychanalyse ! ! Avec mes remerciements

Ph Beucké

 

 

 

 

 

 

 

   
     

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